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Collectif de Saint Lô

mercredi 12 décembre 2012

FAIRE VIVRE UN COLLECTIF BIO L’EXPERIENCE DE SAINT-LÔ

Nos paniers

Depuis 2005, une dizaine de producteurs et une soixantaine de familles ont fait vivre un collectif d’achats de produits bio ou locaux sans aucune structure associative : comment est-ce possible ?

Ce n’est pas un groupe de consommateurs qui a lancé le collectif d’achats mais une association, le GAB 50 (Groupement des Agriculteurs Bio de la Manche). Cette structure a pour objectif d’aider au développement de la filière bio dans le département. Elle dispose de locaux à la Maison de l’Agriculture de Saint-Lô, avec trois salariés. Et c’est l’un d’entre eux qui en 2005 a appelé par voie de presse à la constitution d’un Collectif d’achats de produits bio et locaux. A la première réunion 25 personnes étaient présentes et elles ont très vite adhéré au projet proposé.

Qu’est-ce qui a motivé cette adhésion ? Essentiellement l’offre des produits et la souplesse du dispositif. Bien sûr les personnes présentes étaient déjà des consommateurs de produits bio, mais seulement dans les circuits de distribution traditionnels. Or dès le début le GAB 50 avait convaincu six producteurs locaux, tous labellisés AB, de tenter l’expérience d’un collectif d’achat, initiative nouvelle pour Saint-Lô. La gamme de produits était la suivante : pain, légumes, pommes et cidre, lait et beurre, œufs et miel, viande de boeuf et de veau. L’offre était donc variée, la vente directe permettant en outre des prix attractifs. Quant à l’organisation générale du circuit de vente, c’est la formule du collectif informel qui a été proposée pour commencer : pas de structure associative à mettre en place mais un simple appel au volontariat. Dès les premières réunions, plusieurs consommateurs se sont proposés pour être des liens entre les différents producteurs et les membres du groupe. Ces volontaires s’appellent les référents, ils gèrent les bons de commande, qu’ils transmettent auprès du producteur concerné, Internet ayant bien sûr dès le début permis une communication facile pour la majorité des membres du collectif. Les consommateurs savaient en outre que de toute façon on ne leur demanderait jamais un engagement formel : ni carte d’adhésion ni cotisation, liberté de sortir du collectif à tout moment, liberté aussi de choisir leur type de produit ou leur rythme de commande. Quant aux animateurs du GAB 50, une fois l’impulsion donnée, ils n’ont jamais manifesté un quelconque « droit de regard » sur le fonctionnement du collectif, l’essentiel pour eux étant que le collectif soit vivant et autonome.

Restait un problème épineux : trouver un lieu pour assurer le dépôt des produits et leur distribution. Or, malgré de nombreux tours de table, aucun consommateur ne pouvait proposer de solution viable, personne ne réunissant les conditions minimum : un espace suffisant, protégé de la pluie, des possibilités de parking, un frigo ...Heureusement, une des personnes présentes venait d’installer à Saint-Lô un commerce de produits bio et a proposé une solution pour notre problème : un hall pour le dépôt des légumes, un parking pour une vingtaine de voitures, et bien sûr des frigos. Les préventions ayant été vite levées sur la cohabitation commerce privé / vente directe, personne n’étant obligé d’acheter des produits du magasin, la solution a été adoptée à l’unanimité. Un nouveau type de volontariat s’est ajouté à notre fonctionnement : les permanences du mardi soir, jour où est livrée la majorité des produits. En effet le propriétaire du magasin, quelle que soit sa bonne volonté, n’avait pas à gérer la livraison et la distribution des produits, elles sont donc assurées à tour de rôle par des consommateurs volontaires là encore, qui sont présents une heure ou deux et vérifient que les livraisons et les règlements des commandes s’effectuent correctement. Une simple étagère de tiroirs pour les bons de commande et le dépôt des chèques, un tableau d’inscription pour les permanences, complètent le dispositif.

Sept ans après, du point de vue des consommateurs, comment a évolué la vie du collectif ? Certes il reste très peu de personnes du noyau initial de 2005, mais un brassage s’est opéré année après année, presque exclusivement par le bouche à oreille, si bien que le nombre total de familles n’est jamais tombé en dessous de quarante.
Etant un collectif « informel », nous n’organisons qu’une réunion générale par an, c’est l’occasion pour les « nouveaux » de rencontrer les producteurs et pour les « anciens » d’expliquer notre fonctionnement, de tirer un bilan de l’année écoulée et de tracer des perspectives pour l’année suivante (grâce à internet, ce bilan est diffusé ensuite à tous les consommateurs du collectif) Plusieurs constantes se dégagent depuis 2005 : désir maintes fois réitéré de ne pas s’engager dans un cadre associatif plus structuré, pas de difficulté majeure pour assurer les permanences et la bonne marche des livraisons, symbiose réussie avec le magasin, son propriétaire étant bien plus qu’un « simple prestataire d’espace », mais finalement un élément moteur du collectif, résolvant quand il le faut les oublis et autres étourderies !

D’autres tendances sont apparues, en particulier des liens très forts avec les producteurs. Par exemple, quand notre producteur de légumes est tombé gravement malade, nombreux sont ceux qui, sans se concerter, se sont portés volontaires pour assurer la survie de l’exploitation. Finalement cela n’a pas été nécessaire, mais cet élan était significatif. De façon plus courante, beaucoup évoquent en point positif la convivialité qui s’est installée elle aussi peu à peu : le mardi soir en particulier, avec des discussions par petits groupes entre consommateurs occasionnels ou réguliers, avec les producteurs, etc.
Ce tableau paraîtra peut-être idyllique à certains, rassurons-les, nous avons dû aussi affronter des problèmes ! De deux ordres : soit des personnes entrées dans le collectif se comportaient en purs consommateurs, sans un mot pour personne, soit avaient un niveau d’exigence disproportionné par rapport au contenu ou à la ponctualité des livraisons. Tout cela a été résolu par un rappel des valeurs minimum propres à un collectif (diffusé par internet après les réunions annuelles)… ou par le départ de ces personnes, qui ont quitté le collectif d’elles-mêmes, la liberté totale d’y entrer ou d’en sortir étant bien pratique !

Qu’en est-il des producteurs eux-mêmes à présent ? Quatre sont restés fidèles au collectif. Thomas Sanoner, de Percy, fournit pommes, jus de pommes et cidre. Patricia Bouffard, de Hiesville, amène camembert, beurre et lait. Christine Gamaury et Nicolas Paris, de La Graverie, fournissent œufs, poules, miel et pain d’épices. Loïc Ducloué, de Carentan, propose de la viande de veau et de bœuf. Quant au producteur de légumes initial, il a été remplacé par Laurent Bignon, de Saint-Gilles. Trois autres producteurs se sont joints au collectif, pour aboutir à un total actuel de huit. Patricia Trohel et Alain Fondin, installés à Guilberville fabriquent du fromage de brebis et produisent également de la viande de porc.
Philippe et Eku Enée, du Mesnil-Rouxelin, proposent des gâteaux de toute nature. Eric et Isabelle Perrotte, pêcheurs à Saint-Vaast, nous apportent à leur retour de pêche poissons, bulots et araignées. Au total, cela donne une gamme de produits très variée, on pourrait même dire que mis sur une table, ils représentent l’essentiel du salé et du sucré ! C’est une autre caractéristique de notre collectif pour qui le critère du goût est primordial dans l’attrait pour le bio ou le local, c’est un objet de discussion fréquent avec nos producteurs. Bref, osons le dire, nous sommes un collectif gourmand ! Précisons enfin que deux critères guident toujours notre choix pour intégrer un nouveau producteur dans le collectif : l’attrait du produit et le principe de non concurrence avec les producteurs déjà présents.

Thomas et Sylvia Sanoner

Pour autant, pour nos producteurs, outre la difficulté inhérente à leur métier, « tout marche-t-il comme sur des roulettes » dans leur rapport au collectif ? Évidemment non.
Premier problème : la complexité de notre système de commande peut décourager l’arrivée de nouveaux consommateurs. En effet toutes les formules sont offertes : « panier » à composer soi-même (5 producteurs sur 8), panier au contenu préétabli (3 sur 8),livraison hebdomadaire (2 ), bimensuelle (2), mensuelle (4), règlement avant livraison (2), à la livraison (3), en fin de mois (3)…Ajoutons à cela des bons de commande papier pas du tout uniformisés , tout comme les commandes par mail. Même les « initiés » doivent donc jongler avec leur calendrier et bien des commandes se perdent, faute d’anticipation. Second problème : avec la crise, le nombre de commandes a baissé dès 2011, la situation empirant au premier semestre 2012.

Il fallait donc réagir. Une large discussion entre producteurs, référents et consommateurs a été entamée en mai-juin 2012, pour aboutir à un ensemble de décisions concrètes. Tout d’abord, il a été décidé de faire appel à la presse locale pour nous faire connaître davantage de la population saint-loise, le « bouche-à-oreille » ayant montré ses limites. Répartis tout au long du mois de septembre, plusieurs articles ont eu très vite des retombées inattendues : afflux de personnes intéressées au magasin (au moins 25, ce qui est beaucoup pour nous), suivi de commandes effectives. D’autres décisions ont été prises collectivement lors de la réunion annuelle de septembre. Il a été ainsi décidé, en s’inspirant de l’exemple d’autres collectifs, de mettre en œuvre un bon de commande unique, disponible sur internet, procédure beaucoup plus commode et rapide. Et devant le succès de nos retombées médiatiques, nous avons convenu aussi d’être présents en tant que collectif aux manifestations locales autour du bio et du développement durable organisées en 2013. Pour nos producteurs, cela pourrait leur permettre aussi de trouver de nouveaux débouchés. Le GAB 50 est évidemment partie prenante dans ces initiatives. Enfin, dans ce climat d’émulation, une des consommatrices du collectif a proposé de mettre en place et de gérer un site internet dédié au collectif. Ce site est quasiment achevé et proposera les rubriques suivantes : historique et fonctionnement du collectif, présentation de chaque producteur et de son exploitation, bons de commande avec calendrier, revue de presse et, rubrique très attendue, échange de recettes de saison, un producteur et plusieurs consommateurs devant l’alimenter à tour de rôle. Une page Facebook est également prévue. Ajoutons que l’annonce de la mise en ligne de tout cela a eu bien sûr un écho très positif chez nos consommateurs les plus jeunes. C’est une garantie de plus pour les fidéliser et assurer le renouvellement du collectif.

Pour ceux qui seraient tentés de créer eux aussi un collectif d’achats, une question se pose pour conclure : notre fonctionnement est-il transposable ? Tel quel probablement pas, car il s’appuie sur un contexte local très particulier : présence du GAB 50 (qui a assuré grâce à ses animateurs la mise en route initiale du collectif, puis son accompagnement) et existence d’un commerce de produits bio qui nous a fourni un lieu très pratique pour commandes et livraisons. Pour autant, malgré les ajustements nécessaires et quelques remises en question, au fil de toutes ces années, ce qui a permis à cet ensemble de perdurer, sans aucun engagement associatif ou juridique, c’est tout simplement la bonne volonté des gens. A l’heure du repli sur soi, tellement dénoncé partout, c’est en définitive très réconfortant.

Gilles Charlon, référent pour les fromages et la viande

Pour en savoir plus :
capbsaintlo chez gmail.com (les référents du collectif pourront répondre à vos questions, ou vous renvoyer aux adresses des producteurs, au site internet)
www.bio-normandie.org (site du GAB 50)